Republié via Innoreader Read More
Nous ne sommes plus qu’à un mois du début de l’hiver météorologique. Qu’est-ce qu’un hiver normal en France de nos jours ? À quel point la climatologie a-t-elle évolué par rapport au siècle dernier ?
Les moyennes de saison s’envolent
Vous l’aurez remarqué, les hivers récents ne ressemblent plus vraiment aux hivers d’antan. Cela se vérifie par les chiffres. Nous nous sommes intéressés aux températures du mois de janvier, le plus froid de l’hiver en moyenne. Si l’on compare les moyennes de saison sur la période 1951-1980 et sur la période 1991-2020, on constate une augmentation indéniable sur 40 ans. À Paris, la moyenne des minimales est passée de 1,7°C à 3,2°C et celle des maximales de 6,1°C à 7,6°C, soit une hausse de 1,5°C sur quatre décennies ! Cette hausse est généralisée et parfois marquée. Au Mans, la moyenne des minimales a fait un bond de 0,8°C à 2,7°C, augmentant de près de 2°C en 40 ans !
Normales climatiques en janvier sur les périodes 1951-1980 et 1991-2020 – Météo Villes via infoclimat.fr
Toutefois, on constate que les hivers les plus récents ont battu des records de douceur. En l’occurrence, les normales 1991-2020 (actuellement en vigueur) sont déjà dépassées pour certaines villes. En se focalisant uniquement sur les années entre 2011 et 2024, on constate que l’envolée s’emballe dans certaines régions. Ainsi, Besançon et Lyon ont vu leurs températures minimales progresser de 0,7°C et 0,8°C entre 1991-2020 et 2011-2024 ! Cela montre que la hausse sur les 14 dernières années s’accélère très nettement et que ce sont les années 1990 et 2000 qui tirent nos moyennes saisonnières vers le bas.
Normales climatiques en janvier sur les périodes 1991-2020 et 2011-2024 – Météo Villes via infoclimat.fr
Cette carte est encore plus parlante. Elle montre l’augmentation des températures minimales et maximales moyennes entre les périodes 1951-1980 et 2011-2024, soit sur un peu plus de 50 ans. Le réchauffement de nos hivers est marquant. En janvier, Lyon a vu ses températures minimales augmenter de 2,3°C et ses températures maximales augmenter de 2,1°C en un demi-siècle ! À Lille, il fait en moyenne 2°C de plus l’après-midi en janvier sur les 14 dernières années qu’entre 1951 et 1980 ! Paris constate la même augmentation lors de ses nuits, et une augmentation de 1,8°C le jour. Biarritz est la ville qui s’est le moins réchauffée en janvier (+0,6°C la nuit et +0,5°C le jour).
Normales climatiques en janvier sur les périodes 1991-2020 et 2011-2024 – Météo Villes via infoclimat.fr
Des gelées de plus en plus rares
Avec l’augmentation des températures moyennes en hiver, le nombre de gelées décline au fil des décennies. En moyenne à échelle de la France, nous sommes passés de plus de 60 jours de gel par an à la fin du XIXème siècle à moins de 30 jours au XXIème siècle. Avec les normales 1961-1990, il y avait en moyenne 36 jours de gel. Ce chiffre a chuté à 26 jours avec les normales actuelles (1991-2020). Même en plein cœur de l’hiver, gratter le pare-brise le matin est un réflexe de moins en moins fréquent. D’ailleurs, la baisse du nombre moyen de jours de gel est encore plus franche dans les régions de l’est au climat continental. Nous avons vu plus haut que les nuits de janvier des villes de Besançon et Lyon ont gagné 2,2°C et 2,3°C en un demi-siècle…
Évolution du nombre moyen de jours de gel en France de 1873 à 2023 – via @GJeauseau
Ce constat est encore plus marquant dans les grandes villes, où l’urbanisation grandissante des dernières décennies n’a fait qu’amplifier l’îlot de chaleur urbain. Le graphique ci-dessous montre une baisse impressionnante du nombre de jours de gel à Paris-Montsouris en hiver. Depuis les années 1990, la majorité des hivers enregistrent moins de 20 jours avec gel et il n’est désormais plus rare de vivre des hivers avec moins de 10 jours de gel à Paris. En plus du réchauffement global, l’îlot de chaleur vient inévitablement accentuer cette tendance. En sortant de Paris, le nombre de jours de gel double rapidement puis triple en dehors de la petite couronne.
Nombre de jours de gel par hiver à Paris-Montsouris de 1921 à 2020 – Météo France
La neige se raréfie également
Avec moins de froid, il est logique qu’il y ait aussi moins de neige en plaine. Paris est particulièrement concernée. Le graphique ci-dessous montre que l’accentuation de la baisse du nombre de jours de neige (au moins quelques flocons) par an s’est accentuée depuis les années 1990, comme pour la baisse du nombre de jours de gel. Depuis 30 ans, les premières années sans le moindre flocon à Paris sont apparues. Il devient rare d’observer une année à plus de 10 jours de neige dans la capitale, et les jours avec neige tenant au sol se réduise à peau de chagrin.
Nombre de jours de neige par an à Paris-Montsouris de 1921 à 2020 – graphique Météo France
Même dans les plaines de l’est, il est désormais de plus en plus rare d’observer des paysages enneigés en plaine. À Besançon, on a perdu 8 jours en moyenne de neige au sol entre la période 1961-1990 (28 jours/an) et 1991-2020 (19,7 jours/an). 3 des 4 derniers hivers ont même vu moins de 5 jours avec neige tenant au sol à Besançon. Par ailleurs, la ville n’a plus connu de Noël blanc depuis 2010 ! Cette série est inédite puisqu’auparavant, Besançon n’avait jamais connu plus de 10 Noëls consécutifs sans neige. Une preuve que la neige en plaine devient un phénomène très épisodique lors des hivers français.
Nombre de jours avec neige au sol par an à Besançon de 1949 à 2023 – graphique Météo France
Neige abondante et gel sévère restent possibles malgré tout
Si la fréquence des gelées et des épisodes neigeux en plaine diminue de manière notable, cela ne veut pas dire que ces phénomènes disparaissent. De nos jours, vivre des épisodes neigeux majeurs ou des gelées sévères est toujours possible et les dernières années nous l’ont montré. Même les grandes agglomérations peuvent encore assister à d’importantes chutes de neige. À Paris, il n’y a pas besoin de remonter au siècle dernier. Le 7 février 2018, 12 centimètres de neige avaient recouvert le centre de la capitale, générant des embouteillages records et paralysant la N118.
12 cm de neige à Paris le matin du 7 février 2018, dernier épisode majeur de la capitale – Alexandre Slowik
De même, les gelées sévères – si elles sont de plus en plus rares – restent tout à fait possibles. D’ailleurs, les dernières sont très récentes et datent du mois de janvier dernier. Le matin du 19 janvier 2024, le thermomètre avait chuté jusqu’à -14,7°C à Arras dans le Pas-de-Calais, après des chutes de neige. Beaucoup de villes du nord avait connu leur matinée la plus froide depuis plus de 10 ans, telles que Pontoise avec -10,1°C ou encore Beauvais avec -11,2°C.
Températures minimales du 19 janvier 2024 dans le nord de la France – meteociel.fr
Pour autant, le climat actuel ne semble plus permettre les vagues de froid majeures d’antan. En février 1956 survenait la plus grosse vague de froid que la France n’ait jamais connue. La Seine avait gelé à Paris, le thermomètre avait plongé à -21,4°C à Lyon et -22,2°C à Strasbourg tandis que la ville de Saint-Tropez était paralysée sous des congères de plus d’un mètre de neige ! Avec des masses d’air polaire de moins en moins froides du fait du réchauffement climatique, revivre un froid d’une telle intensité semble plus qu’improbable…
Températures minimales lors de la vague de froid de février 1956 – Météo France